Rareté et prix des métaux précieux

Rareté et prix des métaux précieux


« Tout ce qui est rare est cher » ! Cet adage qui pouvait servir de slogan aux théoriciens classiques de l’économie vaut-il pour le marché des métaux précieux aujourd’hui ? Peut-on au contraire connecter directement le prix d’un bien ou d’une matière à son utilité ainsi que le pensent les théoriciens néoclassiques ? Ou encore, le prix est-il finalement un compromis de différents facteurs dans lequel l’économie n’est pas le plus important ?

L’économiste français Léon Walras postulait au XIXe siècle que la fixation du prix dépendait de l’obtention pour chacun des agents économiques de la quantité offerte et de la quantité demandée de chaque marchandise. « Si le blé ou L’argent ont de la valeur, c’est parce qu’ils sont rares, c’est-à-dire utiles et limités en quantité ». Il stipulait enfin qu’au-delà d’un point d’équilibre du prix, si l’offre de marchandise est supérieure à sa demande, le prix allait être contraint à la baisse pour retourner vers un point d’équilibre entre offre et demande. Ce n’est plus la valeur travail qui fonde le prix d’un bien mais bien sa rareté et son utilité. Ainsi une roue carrée étant rare mais non utile, elle n’a aucune valeur ; pas plus que l’air qui est utile mais abondant.

Si l’on reprend le cas de l’argent, et qu’on examine sa présence, il est indéniable que ce métal est relativement rare puisque son clarke s’établit à 0,1g/tonne (le clarke d’un élément chimique exprime sa teneur moyenne dans la croute terrestre en général). Le cours de l’argent dans l’histoire semble évoluer en conformité avec la théorie. Relativement peu répandu dans l’antiquité et au moyen âge (mines du proche Orient, de Grèce puis de l’Espagne romaine) il tirait sa valeur de sa rareté relative mais aussi de son utilité pour pourvoir aux échanges et au stockage de valeurs alors que se développait le commerce. L’or au contraire, très rare (son clarke est de 0,0005g/t, c’est-à-dire 200 fois plus rare que l’argent), peine à s’imposer comme monnaie du quotidien mais est très vite monétisé en cas de guerre ou d’urgence dans la Grèce ou la Rome antique.

La découverte du Nouveau Monde change radicalement la donne car à partir du 16e siècle, les mines mexicaines et boliviennes profitent directement à l’Espagne. Des quantités d’argent inégalées affluent en Europe et en Orient. Il se crée une forte inflation qui semble corroborer la théorie de Walras et la théorie monétariste : les moyens de paiement (or et argent) sont de plus en plus abondants tandis que l’offre de biens « réels » n’augmente pas en proportion. Pour schématiser le blé devient plus rare que l’argent : sa valeur augmente tandis que décroit celle de l’argent, l’inflation se développe et amène un retour vers un point d’équilibre.

A partir de la révolution industrielle jusqu’à l’époque contemporaine, on assiste à l’effet inverse. La production de biens n’est plus un problème (c’est même la surproduction qui menace), alors que la production des mines d’argent ou d’or se stabilise et un certain équilibre semble se créer. La monnaie de papier et la suspension de la convertibilité qui intervient entre le papier et l’or en 1971 retirent alors aux métaux tout rôle monétaire direct. Les cours de ces métaux précieux auraient dû s’écrouler.


C’est tout le contraire qui se produit. L’abondance de papier-monnaie (notamment en $ US) déconnecté de toute référence à un étalon stable a généré une inflation qu’a théorisé l’économiste Milton Friedmann. Le prix Nobel explique en effet que l’abondance de masse monétaire sans croissance de l’activité économique conduit à des tensions inflationnistes. Tout se passe comme si le cours des biens augmentait en proportion du papier monnaie en circulation.


De leur côté, l’or et l’argent subissent le même sort : leur cours en dollar augmente également et ce d’autant plus que les agents économiques leur accordent une nouvelle utilité : celle de valeur refuge ultime faces aux désordres des monnaies et aux aléas géopolitiques.

Tout se déroule comme si d’une utilité matérielle classique (pour l’industrie, la bijouterie…), l’or avait acquis une utilité psychologique majeure comme valeur refuge.

Les métaux précieux, chers puisque rares sont devenu au fil du temps plus utiles que rares. Aujourd’hui, peu de choses vont à l’encontre de cette utilité, ce qui permet de prédire à ces métaux tangibles et solides une forte stabilité financière pour les années à venir.

WordPress Appliance - Powered by TurnKey Linux